• Les Sorcières

    Les sorcières sont à la fois des êtres imaginaires connus pour leurs pouvoirs magiques leurs chaudrons et balais, illustrées dans tous les contes de fées et bon nombre de films. Mais elles sont aussi ces femmes que l'on a brûlé en Europe pendant le moyen-âge, période livrée aux guerres de religions, où les pratiques quelque peu déviantes étaient condamnées à mort...

    C'est pourquoi je vous propose  deux grandes parties sur ces personnages légendaires :

    Vers le milieu du XVe siècle, en Occident, on brûle des femmes. Les sorcières sont les fiancées du diable : elles vont au Sabbat, jettent des sorts, sèment maladie et mort... Pendant deux siècles des milliers d'entre elles sont traquées, dénoncées, torturées et brûlées. Ce n'est qu'à la fin du XVIIe siècle que les bûchers s'éteignent peu à peu.

     

    Comment est née la sorcellerie ?

    D'un pouvoir surnaturel à une antireligion.

     

    Les premiers procès pour sorcellerie sont apparus vers 1460 dans le comté d'Arras. A cette époque de nombreux notables et personnes respectables sont accusés de sorcellerie, après avoir été dénoncés par d'autres suspects. Cette vague d'arrestations a porté à la connaissance des citoyens de nouvelles pratiques religieuses, proches du satanisme.

     

    En effet, dans un contexte religieux troublé, les croyants délaissaient la Chrétienté pour se tourner vers d'autres formes de religions. Le terme hérétique couvrait alors toutes les formes religieuses non catholiques, y compris les Juifs ou les Fraticelles, issus de l'ordre Franciscain. Effrayés par ces nouvelles pratiques, souvent associées au Satanisme, les Chrétiens leur ont imputé tous leurs malheurs, de la peste à la famine en passant par les tempêtes...

     

    Les hérétiques étaient accusés d'adorer le Diable lors de Sabbats, Au cours de messes noires, ils crachaient sur la Croix, signe qu'ils exécraient Dieu la Vierge et la Trinité. Le mythe de la sorcellerie part de là, et les hérétiques, torturés par les inquisiteurs, finissent par avouer qu'ils sont responsables des épidémies, tempêtes, famine et autres désastres naturels. De ces aveux invraisemblables est née la légende des sorcières, qui furent pourchassées durant tout le Moyen-Age.

    L'idéologie d'un combat du bien (Dieu) contre le mal (Satan) s'installe et persiste même dans notre époque moderne

     

    Vers la fin du XVe siècle apparaissent les premières théories démonologiques. L'inquisition commence... Le Canon episcopi, écrit par l'archevêque de Trèves au Xe siècle décrit les "femmes de la nuit", adoratrices de Diane, la "déesse des sorcières". C'est le premier écrit à donner aux sorcière l'image de la femme qui s'envole la nuit, à cheval sur un balai ou un animal.

    La bulle Summis desiderantes affectibus du Pape Innocent VIII propose une description théorique de la sorcellerie dès 1484, on la reconnaît également comme la charte de la chasse aux sorcières.

     

    Avec l'arrivée de l'imprimerie, les traités de démonologie se répandent à travers l'Europe et les inculpations se multiplient. On peut citer comme exemple Le marteau des sorcières de Henry Institoris et Jacques Sprenger paru en 1486, véritable manuel destiné aux inquisiteurs, La Démonomanie des Sorciers de Jean Bodin, 1560 ou encore Recherches Magiques de Martin Del Rio, 1599.

    Ces ouvrages sont écrits pour la plupart par des juges sur le terrain.

     

    La chasse aux Sorcières

    Une impitoyable machine judiciaire.

     

    Les personnes les plus suspectées de sorcellerie étaient les femmes, vieilles ou isolées, et en général pauvres. En effet, jusqu'au XVIIe siècle, la femme faisait peur. Les médecins en connaissaient très peu le métabolisme, les théologiens les voyaient comme des êtres inconstants à grader sous perpétuelle surveillance. sous tutelle du père ou du mari, elles ne devenaient un tant soit peu autonomes qu'une fois veuves, autonomie alors souvent assortie d'isolation. On les soupçonne alors de vouloir se venger de leur sort. Une femme soupçonnée de sorcellerie était rarement acquittée : chacune de ses réponses confirmait l'accusation.

     

    L'arrestation d'une sorcière,

    Gravure anglaise du XVIIe siècle extraite de "Les sorcières, fiancées de Satan"

    Crédit photographique : Explorer-archives

     

    Les connaissances insuffisantes en médecine, le caractère mystérieux des maladies laisse la porte grande ouverte pour toutes sortes de croyances, y compris la sorcellerie, rendue responsable de tous les maux. Ce n'est que vers le XVIIe siècle que des médecins parisiens commencent à mettre ces croyances en doute.

     

    Mais ces superstitions faisaient vivre bon nombre de charlatans. Certaines personnes sillonnaient les villages en prétendant pouvoir déceler les suppôts de Satan dans la communauté. Ils lançaient des vagues d'accusation, semaient la panique et quittaient l'endroit. La population exerçait alors bien souvent une justice bien plus expéditive que les tribunaux : le lynchage.

     

    Sorcellerie ou magie ?

    Les différences entre Europe du Nord et pays Méditerranéens

     

    Si en Europe du Nord et dans les régions catholiques à proximité des régions réformées, la sorcellerie était bien considérée comme un acte démoniaque, dans les pays méditerranéens, les jeteurs de sorts n'étaient pas assimilés aux hérétiques. Magiciens, astrologues, alchimistes ou devins ne furent pas inquiétés par les chasses aux sorcières.

     

    Les inquisiteurs n'étaient tout bonnement pas convaincus qu'il s'agissait bien des vrais sorciers tels que décrits dans leurs manuels. Ces pratiques, souvent issues de coutumes culturelles locales n'avaient aucun rapport avec la sorcellerie démoniaque. Elles furent assimilées aux pratiques criminelles courantes et il n'y eut pas de bûchers.

     

    La magie cérémonielle avait pour but d'obtenir des avantages immédiats (amour, richesse, santé...) aussi bien que de lire l'avenir.

    A cette époque cohabitaient la magie savante, basée sur des textes, pratiquée par les érudits dans le but de s'attirer les bonnes grâces des esprits, de découvrir des trésors ou de se protéger des agressions, et la magie populaire, basée sur la tradition orale. Elle était principalement pratiquées par les femmes du peuple, le plus souvent analphabètes. Leurs recettes se transmettaient de bouche à oreille, de mère en fille, et permettaient de soigner les maladies des femmes et des enfants, souvent éloignés des médecins ; mais aussi de désenvoûter ou d'éloigner le mauvais oeil.

     

    Les sorcières qui pratiquaient cette magie, tant savante que populaire, étaient accusées de jeter des sorts. en effet, si elles connaissaient les secrets de la guérison, elles devaient également connaître les secrets pour nuire... ainsi, elles étaient craintes et respectées.

     

    Il n'y eut qu'en France où toutes les croyances magiques furent assimilées à la sorcellerie démoniaque. Ces pratiques, autant populaires que savantes, furent condamnées.

    Les moyens de reconnaître les sorciers étaient multiples : on pouvait lire dans les pupilles la marque du diable, ou reconnaître la marque du diable, infime partie insensible du corps, au moyen d'aiguilles. On jetait également le suspect à l'eau, lesté d'une pierre. S'il flottait, c'était un sorcier. S'il coulait, il était innocent, mais souvent noyé... On pensait également que les sorciers étaient plus légers qu'ils n'y paraissaient, ou qu'ils ne pouvaient verser de larmes.

     

    Lors de la procédure inquisitoriale, c'est le juge qui avait le rôle le plus important. L'accusé quant à lui, devait prouver son innocence. Suite à une dénonciation, même anonyme, le juge décidait s'il devait mener une enquête ou non. L'identité de l'accusateur était tenue secrète et les charges du procès reposaient sur l'accusé, déjà presque inculpé. Le juge n'avait en tête que d'extorquer les aveux de l'accusé, déjà convaincu de sa culpabilité. Coupés du monde ils ne savaient souvent même pas de quoi on les accusait. Les avocats n'étaient pas d'une grande aide, car craignant pour leur vie, il incitaient leurs clients à avouer. Si l'interrogatoire ne suffisait pas, on soumettait les accusés à la question. L'imagination en terme de torture ne semblait pas avoir de limites. A bout de forces, ils finissaient presque toujours pas avouer.

     

    La voyante, dite la somnambule,

    Peinture de Gustave Courbet extraite de "Les Sorcières, Fiancées de Satan"

    Crédit photographique : Dagli-Orti, 1er plat

     

    Le déclin de la sorcellerie

     

    Au XVIIe siècle, si la chasse aux sorcières est encore vivace, des voix s'élèvent contre les condamnations, notamment les médecins qui proposent des explications à la sorcellerie.

     

    A travers la sorcellerie c'est surtout la place des femmes qui est mise en question. Non seulement leur corps inquiète car on en connaît mal les "mystères", mais elles portent également le poids du pécher originel, et sont considérées comme les agents du Diable.

     

    On commença à analyser les témoignages qui se révélèrent souvent contradictoires. Le premier autorisé à s'élever contre la sorcellerie fut l'allemand Friedrich Spee dans son traité "De la prudence en matière criminelle ou des procès contre les sorcières", paru en 1631. En 1657, le Pape Alexandre VII recommandait la prudence pour qualifier les crimes de sorcellerie.

     

    Cependant, si les tribunaux inquisitoriaux furent remis en question, l'existence de Satan et son influence pervertrice sur les hommes restait une réalité : personne ne niait l'existence de Satan ou des vrais sorciers qui lui étaient dévoués, mais on rangea les prétendus sorciers du côté des malades qui pouvaient être traités par la médecine. Protestants et médecins se rangèrent du côté des opposants contre les juges démonologues.

     

    Le camp des antipossessionistes se renforce dans l'opinion publique. Pour eux les femmes ne sont pas possédées mais victimes de troubles psychiques. Petit à petit, les magistrats ont cherché à dépénaliser les crimes de sorcellerie. Peu à peu, les tortures pour extorquer les aveux furent interdites, l'appel fut automatisé pour toutes les condamnations à mort.

     

    A partir de 1665, Colbert entama la réforme du code pénal, devenu obsolète. il n'&tait plus question de poursuites sur seule dénonciation de la rumeur publique.

     

    Avec la diffusion de la philosophie des lumières, la sorcellerie fut rangée du côté de la superstition, de l'ignorance populaire et de l'illusion. Pour finir, à son apogée, illustrée dans les contes et légendes populaires de la tradition orale, rendus célèbres grâce aux frères Grimm.


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