• JURONS ET INJURES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - Les mots mal famés

    Brassens en avait fait une chanson :

    « Voici la ronde des jurons
    Qui chantaient clair, qui dansaient rond,
    Quand les Gaulois
    De bon aloi
    Du franc-parler suivaient la loi »




    Malgré le talent incontesté du poète sétois, les jurons qu'il égrène appartiennent plus au monde de François Villon qu'au nôtre. Tout au plus, trouveraient-ils leur place dans le livre de Bernard Pivot : « 100 mots à sauver », tant leur usage s'est perdu au fil du temps. Qui se souvient encore des vertudieu, pasquedieu ou jarnidieu ?
    On en a presque oublié que ces mots qui, jadis, sentaient le soufre, parce qu'ils étaient jugés blasphématoires par l'Eglise, pouvaient valoir à ceux qui les proféraient, sinon le bûcher, du moins des châtiments exquis sur lesquels la Sainte Inquisition avait la haute main.
    Ainsi Parbleu, pour échapper au courroux ecclésial était l'altération euphémique du juron « par Dieu ». Substituer « bleu » à Dieu à une époque où l'on ne plaisantait guère avec la religion était une sage précaution, à l'instar de morbleu (mort de Dieu), palsambleu (par le sang de Dieu), jarnibleu (je renie Dieu), ventrebleu, vertubleu. Ce qui faisait dire à Prévert que « Dieu comme Picasso avait eu sa période bleue ».
    Le verbe « sacrer », pour des raisons identiques, a engendré une kyrielle de jurons comme sacrebleu, sacrédié et saperlipopette, suffixation de saperlotte, interjection elle-même issue du couple sapristi-sacristi. Rimbaud inventera bien plus tard, sur le même modèle i[saperlipopette] et saperpouillotte !

    Mais les injures sont-elles des jurons ?


    JURONS ET INJURES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - Les mots mal famés (suite)
    On peut considérer que les jurons sont des injures que l'on s'adresse à soi-même, alors que les injures sont des jurons que l'on adresse à autrui. Ainsi, peut-on s'écrier « putain ! » si l'on tape sur ses doigts avec un marteau et traiter un quidam de « fils de pute !» s'il vous frappe avec le même outil !
    Force est de constater que dans le langage des cités où la modération n'est guère de mise, jurons et injures fusent de tous bords : ras-le-bol ! (et sa variante plus imagée ras-le-cul !), ça baigne ! ça mousse ! bordel ! ça crache ! ça me plombe !(cela m'ennuie ), c'est trop halluciné ! (je n'en reviens pas), zarma ! (putain !), relou ! bouffon ! (mot français du XVIème siècle dérivé de l'italien buffone), chelaouam ! (verlan de lâche-moi !). Quant à fuck ! chapiteau ! à connotations sexuelles, ils font presque pâle figure à côté des injures et interjections diverses, ethniques et racistes : toubab, fils de Clovis, blonblon, Chabert, rillette, roum et roumi pour désigner tout homme blanc. L'asiatique : un bridé, miaou ou tchouné (déformation phonétique de chinois), l'africain : un black, cafard, blacko, kahlouche(un noir en langue arabe), Keubla ou greune(verlan de black et de nègre), l'arabe : rabza, rabzouille, reubeu, sidi.
    Les policiers ne sont pas en reste et sont affublés de surnoms tout aussi pittoresques qu'injurieux comme arhnouch (le serpent en arabe dialectal marocain, parce que le policier siffle comme un serpent), condé(en argot l'indicateur du policier), keuf, coy, (McCoy héros de série policière américaine) ou encore guisdé-kisdé(qui se déguise et désigne le policier en civil)etc…
    En un mot, l'imagination au pouvoir ! De quoi rassurer tous ceux qui craignaient que le français ne devînt une langue morte !


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